Témoignage de Laurent Gontier

Deuxième volet de notre série d'entretien sur la réutilisation des données (après la société Ypresia), Laurent Gontier témoigne sur la réutilisation des données géographiques dans ses travaux artistiques et d'archiviste.

 

* Qui êtes vous ?

J'ai un parcours universitaire classique et un parcours professionnel qui l'est un peu moins. J'ai étudié l'histoire médiévale à la Sorbonne, j'ai travaillé sur l'Irlande médiévale, la cartographie avait déjà une importance particulière puisque j'explorais des territoires de l'ile dans lesquels un auteur gallois du XIIe siècle avait repéré des sites légendaires. J'ai toujours eu un attrait pour les cartes et je comprenais difficilement qu'on enseigne la géographie d'un côté et l'histoire de l'autre. 

J'ai ensuite travaillé comme auteur de guides de voyages. J'ai donc passé 15 ans carte en main à explorer des pays sous tous les angles : touristique, bien sûr, mais aussi forcément historique, géographique, architectural, humain...

En 2013, j'ai commencé à écrire le projet d'étude du cadastre d'Ouessant que j'ai pu lancer à l'automne 2014 grâce en grande partie au soutien financier de la Région Bretagne à travers son appel à projet "Héritages littoraux, mais aussi avec des financements de la DREAL Bretagne, du Ministère de la Défense et de la fondation ENGIE.

* Quel est votre parcours ou expériences ayant mené à traiter la carte ?

J'ai toujours aimé les cartes. Adolescent, j'en avais au mur. Elles me racontaient des histoires comme les livres par la toponymie, le relief, les villes, les routes. Je les ai beaucoup utilisées dans mes études d'histoires, puis professionnellement. 

Mes bases universitaires m'ont permis d'être rapidement autonome et de me former moi-même aux technologies dont j'ai besoin pour exploiter les ressources géographiques : SIG (à travers QGIS essentiellement, mais aussi Photoshop et Illustrator) mais aussi programmation pour créer des interfaces de consultation. A cet effet, j'utilise le framework Leaflet que je trouve simple, intuitif, régulièrement mis à jour et open source. J'évite au maximum de multiplier les technologies propriétaires pour conserver aux outils que je développe la durée de vie la plus longue possible. L'obsolescence numérique est une réalité très forte.

* Quels sont vos usages de la donnée cartographique ?

C'est un usage essentiellement lié au patrimoine et à l'histoire. Les données cartographiques permettent de mieux connaître un territoire et d'en suivre les évolutions afin de mieux le gérer à l'avenir. 

En 2012, j'ai commencé à travailler sur le quartier de Pontanezen à Brest alors en pleine opération de renouvellement urbain. Ce travail était à destination des habitants et il m'avait semblé intéressant de leur montrer l'évolution de leur quartier à travers les photos aériennes de l'IGN. Ils l'ont ainsi vu évoluer des années 1920 à 2013 et ainsi se rendre compte qu'il avait une histoire plus riche et plus complexe que celle qu'ils imaginaient. Cette expérience renforçaient leur intérêt pour un lieu de vie qu'ils pensaient stérile et sans histoire.

Dans le projet sur Ouessant, la cartographie est devenue extrêmement importante. Lors de mes préparatifs sur le projet, des ethnologues ayant travaillé sur Ouessant m'ont fourni les données cartographiques, à l'ancienne, sur papier. Des géographes de l'IEUM (Institut universitaire européen de la mer,) à Brest et le responsable du CEMO (Centre d'étude du milieu Ouessantin) à Ouessant m'on confié des cartes de l'île au format numérique (essentiellement des shapefiles). J'ai ensuite numérisé des sections du cadastre napoléonien et collecté des archives cartographiques au SHD (service historique de la défense à Brest) ainsi qu'au SHOM (service hydrographique) grâce auxquelles j'ai pu réaliser un portrait assez précis de l'île au 19e siècle. Les données de Geobretagne m'ont ensuite permis de caler ces archives sur la réalité géographique de l'ile (cadastre et orthophotographie). La combinaison de ces sources d'origines différentes m'a permis de restituer un portrait inédit de l'île. Les données GéoBretagne, en particulier le cadastre, me permettent aussi de créer un outil géolocalisé pour que les ouessantins se repèrent dans le dédale de parcelles qui recouvre leur ile. 

En 2017, j'ai à nouveau travaillé sur le quartier de Pontanezen mais sur la présence militaire qui l'avait complètement transformé entre 1918 et 1919. Là encore, la mise en relation des archives de la défense (plan du camp) avec des orthophotographies de GéoBretagne ont permis aux Brestois de se rendre compte de l'emprise du camp américain et d'en réaliser sa position par rapport au territoire tel qu'il est aujourd'hui. 

Essai de calage du plan du camp américain de Pontanezen, dans son état de décembre 1918
 

* Quels sont vos travaux actuels ?

Les travaux actuels concernent Ouessant. Les travaux à venir concerneront un outil mobile géolocalisé pour permettre aux Brestois de retrouver sur le terrain le tracé de leur ville avant 1944. Il existe également un projet pour rendre sensible l'emprise territoriale des anciens quartiers de préfabriqués autour de la ville de Lorient

J'ai développé une compétence en géoréférencement et plus même, en conformation (par déformation) de cartes et plans anciens, et je souhaite maintenant proposer cette compétence à des institutions (BNF, SHOM, SHD) ou tout autre structure qui souhaiterait mettre son fond en valeur en géoréférençant les archives cartographiques qu'ils libèrent. Je suis persuadé qu'il s'agirait là d'un plus important à leur offre. Ca autoriserait une prise en main et un decryptage plus facile de ces sources pour de nombreux professionnels, inciterait à des usages inédits et novateur de la part d’artistes, par exemple, et les rendrait plus accessibles au grand public. Ces données, porteuses de sens mais aussi d’un imaginaire immense ne demandent qu’à être diffusées et valorisées !

Exemple d'application développée sur le projet d'Ouessant
 

* En quoi GéoBretagne vous aide ou peut vous aider dans vos futurs travaux ?

Les données libérées par GéoBretagne sont indispensables à mes travaux, elles sont aussi une source inestimable d'inspiration pour explorer le territoire de manière originale et innovante. J'aimerais pouvoir travailler plus étroitement avec les équipes de GéoBretagne, apprendre à connaitre leurs métiers, découvrir leurs projets à venir, leur fonds...

 

Pour aller plus loin, le Site de Laurent Gontier et des exemples de productions :